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de perdre son enfant toute vive. J’ai cru entendre une plainte à côté. Je me lève, je cours vers Lina, couchée sans lumière et ne dormant pas. « Qu’est-ce que tu as, ma chérie ? – Mais je n’ai rien, rien du tout… » et en l’embrassant, je sentais ses joues toutes mouillées de larmes froides.

« Ah ! mon ami, y a-t-il quelque de chose de plus triste que cette mère et cette fille pleurant sans rien se dire, avec la nuit entre elles ?… Tout de même elle a pleuré ; c’est le cœur qui revit peut-être. Et si elle me rendait son cœur, elle vous le rendrait aussi et à vos enfants… »

C’était le 15 juillet, environ trois semaines après le retour d’Éline chez sa mère. Mme Ebsen, revenant de dire adieu à la dernière de ses élèves restée à Paris, avait fait un détour pour prendre des nouvelles de Magnabos.

« Mal, très mal… » râlait du fond de son fauteuil l’orateur funèbre devenu aphone ; et se tournant péniblement vers sa femme qui arrosait de larmes silencieuses la robe bleue de saint Rigobert : « Surtout, je t’en prie, pas de discours sur ma tombe… je n’en veux pas… il n’y en a pas un qui sache parler. »