Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/378

Cette page n’a pas encore été corrigée

chose, et chez nous tout son temps se passe en prières, en lectures édifiantes.

« Les premiers jours, elle est allée voir toutes nos amies, elle s’est montrée partout ; mais maintenant elle ne sort plus et ne parle pas même de reprendre ses leçons. Je ne sais ce qu’elle compte faire, et je travaille pour deux en attendant. Oh ! tant qu’elle voudra, mon Dieu ; j’ai vingt ans, depuis qu’elle est là… Pour ce qui est de vous, ça ne va pas bien non plus. Quand j’ai reçu votre lettre, je suis allée prendre Fanny, qu’elle n’avait pas encore vue. J’espérais lui ouvrir le cœur avec les grâces de l’enfant, ses petites mines, ses cheveux fins qu’elle aimait tant à coiffer. Eh ! bien, non, elle l’a accueillie comme une étrangère, d’un de ces baisers de glace qu’elle me donne ; et elle n’a fait que parler de Dieu, de la nécessité de l’Évangile à la pauvre petite toute tremblante de peur et se serrant contre moi…

« Et pourtant je ne perds pas tout espoir de guérir ma fille de cette affreuse maladie de ne plus aimer rien ; c’est une affaire de temps et de tendresse. Tenez ! la nuit dernière, je pleurais tout bas dans mon lit, car enfin ça fait de la peine