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relisait les anciennes, si froidement cruelles, cette carte postale en travers de laquelle elle avait écrit : Dernière lettre de mon enfant. De cela même elle se serait contentée, d’une ligne, d’un mot : Éline.

Lorie lui manquait aussi, appelé depuis quelques jours à Amboise pour la succession des Gailleton, morts à deux semaines l’un de l’autre. En son absence, elle allait furtivement savoir chez la mère Blot s’il n’y avait pas de nouvelles ; mais elle ne s’arrêtait pas, se privait de monter jusqu’à son appartement, même d’embrasser Maurice et Fanny restés à Paris avec Sylvanire. Toujours cette crainte de gens apostés pour l’enlever, qui la faisait se retourner dix fois dans la rue déserte.

Un jour, comme elle entr’ouvrait la porte avec son éternel et triste : « Rien pour moi, mère Blot ?… » la concierge s’élança, la figure à l’envers :

« Mais si… Mais si… Votre fille est là-haut… Elle vient d’arriver… »

Où trouva-t-elle la force de monter, de tourner la clef restée sur la porte, de se traîner jusqu’au salon ?…