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tournantes. Les sanglots de Watson lui répondent ; pauvre Watson, revenue de sa mission, plus navrée, plus douloureuse que jamais, avec le souvenir de ses enfants qui s’acharne et crie dans son cœur. Jeanne s’indigne et gronde, sans s’émouvoir de ces larmes, car elle a reçu du Christ le don de force.

« Bonjour…, » dit-elle à Autheman en lui tendant son front bien vite pour reprendre l’entretien ; mais lui, d’un ton de maître :

« J’ai à vous parler, Jeanne… »

À l’éclair de ses yeux, à la façon nerveuse dont il lui étreint le poignet, elle a compris que l’heure est venue de l’explication si longtemps remise.

« Va, ma fille… » dit-elle à Watson ; et elle attend avec cette expression excédée, épouvantable, de la femme qui n’aime pas et qui sait qu’on vient lui parler d’amour. Assis sur le banc à côté d’elle, Autheman murmure :

« Pourquoi retirez-vous votre main, Jeanne ? Pourquoi reprendre ce que vous aviez donné ?… Si, si, vous comprenez bien… Ne faites pas ces yeux qui mentent… Vous étiez à moi, pourquoi vous êtes-vous reprise ? »