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s’ébroue, luisant et fier, sa gourmette argentée d’écume.

« Dans le parc… Au banc de Gabrielle… »

Sur ce banc moussu, circulaire, qui joint dans le haut les deux rampes de l’escalier et se blottit comme un nid entre les branches d’un vieux tilleul, la belle Gabrielle a sans doute parlé d’amour, soupiré des fredons et des propos galants, par des soirs comme celui-ci, bourdonnants d’abeilles et tout embaumés d’effluves chaudes. Pour Jeanne Autheman, c’est un simple observatoire. Quand elle n’est pas à la Retraite, tout en s’entretenant avec Dieu, elle surveille de là à travers les branches le train domestique, l’alignement correct des charmilles, des parterres fleuris, du potager dont les cloches de verre luisent le long de la voie. Les serviteurs savent cela, et quand « Madame est dans son arbre, » le château paraît encore plus tenu, plus sévère que d’habitude.

« L’âme qui veut s’unir à Dieu doit oublier toutes les choses créées, tous les êtres périssables… »

C’est la voix froide de sa femme que le banquier écoute en montant les hautes marches