sans eau et la mangeoire vide. C’est fini d’appeler Moïse ; plus rien d’Israël ne reste dans la maison du renégat. Autheman considère cela une minute, passe sans colère, et froidement, au cocher en regardant sa montre :
« Je suis pressé, Pierre… »
Le coupé file, brûle les rues, les quais, le triste faubourg d’Ivry tout noir de ses chantiers de charbon, de ses masures ouvrières, de la fumée lourde de ses usines. Quartier de misère et de révolte, où les rares équipages qui passent, reçoivent des poignées de fumier et de boue par leurs portières. Mais le coupé du banquier, bien connu du peuple d’Ivry depuis si longtemps qu’il fait le trajet, n’a rien à craindre du dehors, ses stores relevés, fermé comme une logette de lépreux, même quand la route s’engage entre les colzas et les blés, les plaines ondulantes et dorées sous un beau soleil de juin. C’est ainsi qu’il voyage, ce richard, déprisonné seulement quand la grille a tourné sur ses gonds et qu’il peut aspirer librement l’odeur de miel des paulownias flottant sur le silence engourdi de Port-Sauveur. « Où est Madame ?… » demanda-t-il, tandis que le cheval