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pied de la chaire, où tous les yeux cherchent le pasteur.

Invisible encore, blotti dans l’angle obscur, Aussandon laisse s’apaiser l’émotion qui bat sa poitrine à grands coups, chaque fois qu’il vient plaider la cause de Dieu. Avec cette faculté des orateurs et des comédiens de distinguer les visages dans la salle, il remarque l’absence d’Autheman au banc des anciens, mais rencontre juste en face de lui, et comme le point de mire naturel à son discours, la taille droite de la femme du banquier, sa petite tête pâle dont le regard volontaire le brûle magnétiquement à distance. Là-bas, dans la tribune, ce dos courbé, ce lourd empaquetage de voiles noirs, c’est la mère, fidèle au rendez-vous, émue, oh ! si émue…

Elle sait qu’enfin l’heure de la justice a sonné, que ce grand orateur est en chaire pour elle ; pour elle, toute cette foule de riches, de glorieux, ces files de voitures à la porte, et cette musique dont ses larmes suivent la montée suave. Pour elle, cet Évangile que commence le lecteur, et ces admirables versets du Sermon sur la montagne, passant comme une brise fraîche sur ses paupières brûlées… Heureux ceux qui sont dans l’affliction,