propos pour nous ôter de la peine… » Ici, au contraire, la peine s’aggravait de cette lecture ; et quand, le soir, Mme Ebsen feuilletait le cahier vert avec Lorie, des larmes gonflaient leurs yeux et ils n’osaient pas se regarder.
C’était presque un second veuvage qui venait de le frapper, ce pauvre Lorie, un deuil qu’il ne portait pas, mais plus cruel peut-être que l’autre, mêlé de l’humiliation de n’avoir su occuper ce cœur de jeune fille, si calme en apparence, avide en réalité d’une passion qu’il était allé chercher plus haut. Le départ d’Éline, sans qu’il se l’avouât, calmait sa blessure d’amour-propre ; il n’était pas le seul abandonné, et, rapprochés par la douleur commune, la mère et lui reprenaient leurs relations affectueuses. En rentrant du bureau, il montait chercher des nouvelles, passait de longues heures à l’angle de la cheminée, à écouter cette histoire toujours la même ramenant avec les mêmes phrases les mêmes explosions de sanglots, et, dans le calme du petit salon, l’immuabilité des choses autour d’eux, le silence de la rue coupé des clameurs du boulevard, instinctivement il cherchait Éline et grand’mère à leur coin favori, ce coin que le rire clair de sa fillette