Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/282

Cette page n’a pas encore été corrigée

au cercle ou à la Chambre, elle à l’église à toute heure et jamais de réception ni de visite. Il avait fallu un motif bien puissant pour l’amener chez Déborah, une ancienne amie de pension longtemps préférée malgré l’écart des mondes où vivaient les deux jeunes femmes, mais qu’elle ne voyait plus depuis son renoncement à tout.

« Si madame la comtesse veut prendre la peine… »

Elle entra dans la demi-nuit d’une chambre aux tentures claires, aux rideaux tirés.

« Par ici, » dit une petite voix enfantine et pleurarde, venue d’un immense lit à estrade et à baldaquin… « Il faut que ce soit toi, va ! »

Et ses yeux faits à l’obscurité distinguaient au milieu d’un attirail de miroirs à main, pencils, patte de lièvre, boîtes à poudre et à onguents, qui faisaient de la courtine en velours de Gênes un dessus de toilette d’actrice, l’infortunée Déborah étendue, dans l’ébouriffement roux de ses cheveux, son masque blafard de juive d’Orient tout miroité de pommade ainsi que ses mains, ses bras superbes sortis des épaulettes de dentelle.

« Tu vois, c’est comme à la pension… En