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chasses effroyables d’où Maurice revenait haletant, pâli, défait.

« Gare un de ces jours, si je m’en mêle !… » disait Sylvanire ; mais heureusement pour le jeune Nicolas, des occupations nombreuses la retenaient à la maison. D’abord le télégraphe, dont Romain lui enseignait la manœuvre, puis la cuisine, le linge de son mari et des enfants à surveiller, et aussi celui de Baraquin ; car le renégat faisait partie du ménage, couchait là, mangeait avec eux, ce qui les gênait beaucoup pour parler du château et d’Éline, à table et à la veillée. Non pas que Baraquin fût un mauvais homme ; mais avec une goutte de « blanche » on lui aurait fait vendre ses amis, sa peau, son âme, aussi aisément qu’une redingote de communion. C’est pourquoi Sylvanire se méfiait de lui et attendait qu’il fût dehors, pour dire son idée.

L’idée de Sylvanire, c’est que Mademoiselle n’avait pas quitté le château, et tous les jours elle envoyait Romain faire le guet dans son bateau devant la grille, tandis qu’elle-même s’informait près des fournisseurs, à la boucherie évangélique : MEURS ICI POUR VIVRE LÀ, ou chez l’épicier : AFFECTIONNEZ-VOUS AUX CHOSES QUI SONT EN HAUT.