Sans s’émouvoir, habituée qu’elle était à ce genre d’explication, la présidente répondit qu’Éline Ebsen avait quitté la France, avec l’intention de répandre l’Évangile. Peut-être en Angleterre, peut-être en Suisse, on ne savait au juste. En tout cas elle donnerait des nouvelles à sa mère, pour laquelle elle gardait toujours les sentiments d’une fille chrétienne et dévouée.
C’était la lettre d’Éline, à peu près dans les mêmes termes, détaillée lentement, posément, sur un ton d’implacable douceur qui montait Mme Ebsen jusqu’à la rage, jusqu’au transport d’une colère d’assassin devant cette femme correcte et serrée dans sa toilette noire pâlissant encore ses joues étroites, son front en avant, ses larges yeux limpides, presque sans pupille, où l’on sentait si bien le froid et le dur de la pierre, et le néant de toute tendresse, de tout apitoiement féminin.
« Oh ! je vais l’étrangler… » pensait-elle. Mais ses mains crispées nerveusement se joignaient, s’allongeaient en prière : « Madame Autheman, rendez-moi ma petite Lina… Je n’ai qu’elle au monde. Elle partie, il n’y a plus rien… Mon Dieu ! nous qui étions si heureuses… Vous avez