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ça elle est pâle, elle mange mal… moi, je crois que c’est la mort de sa grand’mère…

– Et Port-Sauveur… et Mme Autheman… » dit Lorie d’une voix grave.

« Vous pensez ?…

– Je vous dis que c’est cette femme… C’est elle qui nous prend notre Lina.

– Oui, peut-être… vous avez raison… » Mais ils payaient si bien, ils étaient si riches ; et devant les hochements de tête du pauvre amoureux, que ces considérations ne touchaient guère, elle concluait : « Allons, allons, tout ça s’arrangera… » comme lorsqu’on veut s’illusionner et attendre son malheur les yeux clos.

Toute la nuit et le lendemain au bureau, pendant sa machinale besogne de subalterne, Lorie s’affermissait dans sa résolution de ne pas céder. Ce travail consistait à dépouiller les journaux, à en extraire le moindre article, le mot, où l’on parlait de son ministre, avec le nom de la feuille consigné en marge. Ce jour-là, tout au drame de son existence, il expédiait à la hâte son affaire, distrait par deux ou trois brouillons d’une lettre à Lina, difficilement élaborée au milieu des platitudes et des