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comme je devais l’attendre d’une personne aussi fantasque. En passant à Buda-Pesth, j’avais trouvé un ancien compagnon de Kossuth, patriote convaincu, tombé dans la plus noire misère, mais digne et fier sous sa guenille, un héros, un saint. Pour le secourir et l’honorer en même temps, je le fis asseoir près de moi, à la table de l’hôtel. Quel scandale ! Toutes les dames se levèrent, refusant de manger avec un mendiant, comme si le divin maître qui lavait les pieds aux pauvres n’avait pas donné vingt fois l’exemple de la sainte humilité. La plus indignée encore fut la princesse, imbue, malgré ses prétentions au christianisme libéral, de tout le despotisme de sa caste et de sa race. Après une explication violente, elle m’abandonna sans argent dans cette ville inconnue, obligée de me faire rapatrier par mon consul avec un certificat d’indigence. Cette confirmation à mon vœu de pauvreté m’eût laissée pourtant bien calme et sereine, si j’avais trouvé ici l’asile souhaité.

« Ah ! mon amie…

« D’abord une vraie joie, en arrivant, de revoir le petit village marin, ses maisons de bois, le clocher en vigie dominant les flots, et tout autour de l’église