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et s’invitant, avant d’être hors du temple, à des dîners, à des thés copieux. Jusqu’au sacristain, en habit de maître d’hôtel, tendant pour la quête, d’un air endormi et placide, son filet à papillons au bout d’un long manche ; jusqu’au pasteur Birk, les cheveux en rouleaux, sa tête de côté, ses regards langoureux et voraces qui guettaient les dots à la sortie. Partout et dans tous elle reconnaissait cette paresse de l’âme, s’étendant en moisissure au fronton du temple, comme une rouille aux barreaux de sa grille extérieure. Et, lorsqu’en rentrant chez elle, elle apercevait le vieil Aussandon dans son petit verger, l’arrosoir ou le sécateur à la main, même celui-là, après tant de preuves données de son zèle orthodoxe, si droit et si ferme dans sa foi ; Aussandon, le maître, le doyen de l’Église, lui semblait atteint autant que les autres et qu’elle-même. Paresse de l’âme ! Paresse de l’âme !

De ces troubles de la jeune fille, de cette lente pénétration de tout son être par l’idée fixe, personne dans son entourage n’avait le moindre soupçon. Mme Ebsen, toute à l’ivresse de ce mariage qui comblait ses vœux, – sa fille près d’elle et un gendre dans le gouvernement, – s’occupait