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monde ! « Jamais elle n’osera… » pensait la mère. Elle osa pourtant, et se mit à traduire docilement, en suivant les inflexions de la catéchumène, pendant que Mme Ebsen, animée d’une puérile vanité maternelle, regardait fièrement autour d’elle, pour juger de l’effet produit.

Ah ! malheureuse mère, c’est son enfant qu’elle aurait dû regarder, ses joues qui s’allumaient d’un éclat de fièvre, ses yeux d’abord baissés sous leurs cils de soie claire et qui s’ouvraient brillants et fixes ; elle eût compris alors que cela se gagne ces attaques mystiques, comme la crise nerveuse qui abat parfois sur leur lit d’hôpital toute une rangée de malades, et que cette démente, hagarde et flétrie, debout à côté d’Éline, l’effleurant de son geste, de son haleine chaude, lui passait à mesure un peu de sa folie contagieuse. Sinistre et féroce, ce « témoignage » de Watson. Un jour, un de ses enfants s’était noyé, sous ses yeux, presque entre ses bras ; et cette mort l’avait jetée dans une horrible torpeur de chagrin que rien, personne, ne pouvait secouer. Alors une femme était venue, disant : « Watson, lève-toi et ne pleure plus. Ce qui t’arrive est un