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et gardant sous le badigeonnage des murailles, où tombait, de place en place, la lumière crue d’un bec de gaz, la trace noire des cheminées de forge, les trous du râtelier aux outils. Là dedans, sur une quarantaine de bancs, dont à peine la moitié se trouvait occupée, le public le plus disparate : de vieilles femmes bien mises, quelques étrangères, puis des commis de la maison Autheman, des curieux, des flâneurs du quartier, trouvant plus économique de somnoler au bout d’un banc qu’au café, des blouses ouvrières, des marmottes de balayeuses, le corps de métier où l’on compte à Paris le plus de luthériens, cinq ou six militaires, la tête rase, les oreilles écarlates, enfin les loques, payées à l’heure, de quelques vieux débris de porches d’église, des faces vineuses, terreuses, abruties, et parmi elles une pauvresse au milieu d’un tas de petits dépenaillés, immobiles, mangeant du pain.

Sur l’estrade, où la longue taille d’Anne de Beuil marquait d’un geste en bois noir la mesure d’un cantique, Mme Autheman trônait dans un grand fauteuil, correcte et froide à l’habitude, en avant d’une double rangée de pèlerines évangéliques, de blouses