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sorte de violences, drogues et maléfices, pour les forcer à abjurer leur religion. La mort inexplicable et subite d’une jeune fille, Félicie Damour, employée au château, donna du crédit à ces fables. Il y eut même un commencement d’enquête, qui aboutit au renvoi de la sœur Octavie dans une autre résidence. Elle ne fut pas remplacée.

Le curé, lui, garda son poste, vécut dans son coin, prêchant devant une église vide, restant quand même en rapports de politesse avec les Autheman qui lui envoyaient du gibier au temps des chasses. « Ces gens sont trop forts… Il faut manœuvrer… » avait dit l’évêque ; et, dégagé par son supérieur de toute responsabilité, le bon curé pêchait ses chevennes et laissait couler l’eau.

Singulière physionomie que celle du village, dès cette époque. Entre les maisons uniformes à toit rouge construites jadis par le vieil Autheman pour ses ouvriers, entre les allées droites de petits ormes plantés par sa bru, circulait un peuple d’enfants vêtus de la même blouse de lustrine noire, conduits par un instituteur à longue redingote ou par des jeunes filles avec la