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de reprendre ses élèves : « Tu n’as pas honte, petite effrontée. »

Elle relançait les mères au lavoir, les pères en plein champ, invoquait Dieu, la Vierge, les saints, montrait le ciel mystique où le paysan, lui, ne voit que de l’eau ou du soleil pour ses récoltes, se heurtait à des clignements d’yeux, de gros soupirs hypocrites : « Ben oui, ma sœur, sûrement… ça serait ben mieux comme vous dites. » Le terrible, c’est quand elle se rencontrait sur le même terrain avec Anne de Beuil : les deux femmes en présence, prototypes des deux religions, l’une maigre, serrée et jaune, sentant – malgré les années écoulées – la révolte et les persécutions ; l’autre grasse, l’air aimable, les joues débordant la mentonnière, les mains potelées, l’assurance carrée de sa guimpe protégée ordinaire de la richesse. Seulement, ici, le château faisait la guerre à la sœur ; et la partie était inégale.

Dans son ardeur, sœur Octavie ne ménageait pas ses paroles, ne se contentait pas de ridiculiser Mme Autheman et son prêche, mais portait encore contre elle les accusations les plus graves, comme de séquestrer les enfants, d’user de toute