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Pour résister à cette propagande effrénée, il n’y avait à Petit-Port que le curé et la sœur. Le curé, pauvre saint homme, vivait péniblement de cette cure sans casuel et aussi, disait-on, du produit de sa pêche que sa servante vendait en sous-main aux cabarets d’Ablon. Habitué d’ailleurs à respecter au village le propriétaire riche, l’influence prépondérante, ce n’est pas lui qui eût osé faire tête aux Autheman. Il se permettait quelques allusions voilées, le dimanche, en chaire, adressait rapport sur rapport à l’évêché de Versailles, mais cela n’empêchait pas son église de se vider comme un vase fêlé d’où l’eau s’échappe, et les rangs du catéchisme de s’éclaircir d’année en année, laissant la place de délicieuses parties de cache-cache entre les bancs aux rares gamins qui venaient encore.

Plus ardente, comme sont les femmes quand la passion les tient, sœur Octavie, la directrice de l’école des filles, lui faisait honte de sa faiblesse et se posait très carrément en antagoniste du château. Elle s’agitait, car elle aussi avait des loisirs, courait le village, la coiffe battante, avec le bruit querelleur de son grand chapelet, et tâchait à la sortie des classes évangélistes