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versets ; et l’on s’imagine la stupeur des paysans en voyant la jolie dame du château monter en chaire. C’est qu’elle parlait bien, dame ! et aussi longtemps que le curé le plus malin. Puis, ce beau temple tout neuf, bien plus grand que leur église, la sévérité des hautes murailles nues, l’autorité du nom et de la fortune du banquier… Ils sortaient étonnés, impressionnés, racontaient ce qu’ils avaient vu et la façon dont Mme Autheman la jeune « disait sa messe ». Après l’office, la châtelaine se tenait dans la sacristie, recevant ceux qui voulaient lui parler, se faisant conter leurs affaires, les conseillant, et non plus dans la langue mystique de la chaire, mais familièrement, au sens le plus pratique.

C’est ainsi qu’elle instituait une prime d’argent et de vêtements, payable le jour de la communion, à tous ceux qui accepteraient la religion réformée. Le facteur commença, puis le cantonnier et sa femme. Leur « réception » se fit en grande pompe ; et quand on les vit vêtus de drap neuf, de bonne laine chaude, avec l’argent clair qui tintait dans leurs poches et la protection du château désormais assurée, cela en entraîna beaucoup d’autres.