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petits lits de fer pour l’éclusier et son garçon dans un coin, le cadran en bois, aiguille, manipulateur, tout l’appareil télégraphique qui relie entre elles les écluses de la Seine. À côté, la cuisine, reluisante d’ustensiles qui n’avaient jamais servi.

« Vous comprenez, » disait Romain, « tant que je suis garçon… », et il raconta qu’il mangeait à l’Affameur, chez Damour, un cabaret de marine à deux pas, renommé pour sa soupe aux légumes et ses tanches à la casserole. C’est là qu’il avait commandé le déjeuner. Il ouvrit encore, en face de la cuisine, une grande pièce noire aux volets clos où il introduisit son monde avec fierté et mystère ; et le jour entrant à flots par la fenêtre ouverte, ce furent des exclamations devant le beau lit en acajou, le petit tapis à roses criardes, la commode surmontée d’une glace qui reflétait un assortiment de bibelots gagnés à la foire, et le papier jaune à fleurs, piqué d’images de magasins. Une surprise, cette chambre ! La chambre de Sylvanire, achetée entièrement des économies de l’éclusier, et sans rien dire à sa femme. Il lui en gardait l’étrenne pour quand… pour quand…

« C’est bon », fit Sylvanire, qui craignait qu’il en dit