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allait prêcher à certains jours de la semaine, n’ayant d’abord pour acolyte et pour apôtre qu’une vieille fille, ancienne infirmière et lingère chez Mme de Bourlon, calviniste enragée, issue d’une famille de gentilshommes charentais déchue par les persécutions et retournée à ses origines paysannes.

La religion de cette Anne de Beuil gardait le fanatisme farouche et traqué de la Réforme au temps des guerres. La femme en avait l’œil guetteur, méfiant, l’âme prête au martyre comme à la bataille, le mépris de la mort et du ridicule ; grossière avec cela et l’accent de sa province, entrant – les jours de prêche – dans les ateliers, les blanchisseries, jusque dans les casernes, semant l’argent quand il le fallait, pour amener du monde à l’Évangile.

En même temps, l’hôtel de la rue Pavée changea d’aspect. Jeanne, tout en conservant la maison de banque, supprima le trafic d’or qui sentait trop la juiverie. L’oncle Becker alla installer ailleurs son commerce ; et les affineries de Petit-Port ou plutôt de Port-Sauveur abattues, on éleva à la place un temple et des écoles évangéliques. Bientôt, de l’ancienne maison des