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le troupeau triste et fidèle des catéchumènes besogneux. Elle s’étonnait bien un peu de cette vie austère, de ce renoncement au monde chez une jeune et jolie femme ; mais son fils était heureux, peut-être même voyait-elle dans ces mômeries une sécurité pour le pauvre infirme, et, loin de retenir sa bru, elle lui facilitait sa mission. Ah ! si elle avait su qu’un des premiers et, plus ardents convertis était le mari de Jeanne, et qu’il n’attendait que la mort de sa mère pour se faire « recevoir » et abjurer publiquement !

Ce fut un des événements de la fin de l’Empire que cette réception de l’Israélite Autheman au temple de l’Oratoire. Dès lors, chaque dimanche, on vit au banc des anciens et des diacres, en face de la chaire, la figure en lame de couteau, la joue défigurée et voilée du célèbre marchand d’or ; et sa conversion valut à Jeanne une véritable influence. Elle devint la « madame Guyon » du protestantisme, droite dans sa vie, persévérante dans son œuvre, estimée même de ceux qui avaient traité son exaltation de folie. Pour répandre la bonne nouvelle aux quatre coins de Paris, elle loua dans les quartiers populeux de grandes salles où elle