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était obligée de rester quelques jours à l’infirmerie, couverte d’amidon et d’onguents.

Les autres pensionnaires, jalouses de son immense fortune, disaient : « C’est l’or des Autheman qu’elle sue ! » Mais Jeanne voyait et lui montrait là un châtiment providentiel, la colère de Dieu pesant sur une race qui s’obstinait à ne pas le connaître ; et elle tourmentait cette âme faible de sermons, de longues controverses théologiques, jusque sous les ombrages de Petit-Port, chez la veuve Autheman où Déborah emmenait souvent son amie. La fille d’Israël se sentait ébranlée, toute prête à abjurer, à quitter son père, sa famille, pour suivre Jeanne, aller vivre avec elle et son mari sous la tente, comme Paul au désert ; tellement elle s’y entendait déjà, l’Évangéliste, à détacher les âmes de leurs affections naturelles, à les offrir à Jésus, encore toutes palpitantes et meurtries des liens rompus !

Mais, sur ces entrefaites, une crise commerciale atteignit la place de Lyon, ruina complètement Châtelus et Treilhard, et changea du tout au tout les projets de mariage du jeune théologien. On mit des formes à la rupture ; mais elle eut lieu, sous le prétexte que la santé du futur missionnaire