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peur du poste joue décidément un grand rôle dans la vie de Bélisaire. La porteuse de pains, elle, connaît la timidité du camelot, sa facilité à se laisser éconduire.

— Non, non, sois tranquille, cette fois je la ramènerai, dit-il à la fin avec une confiance énergique qu’il parvient à communiquer à sa compagne ; et il part. Il arrive rapidement au quai des Augustins ; mais il est encore moins heureux cette fois que la veille.

— Où allez-vous ?… lui demande le concierge qui l’arrête au bas de l’escalier.

— Chez M. d’Argenton.

— C’est vous qui êtes venu hier soir ?

— Parfaitement, répond Bélisaire dans l’innocence de son âme.

— Eh bien, c’est inutile que vous montiez, il n’y a personne… Ils sont à la campagne, et ils ne reviendront pas de sitôt.

À la campagne, par un temps pareil, avec ce froid, cet air de neige ! Cela paraît invraisemblable à Bélisaire. En vain, il insiste, en vain il raconte que l’enfant de la dame est bien malade, à l’hôpital. Le concierge fait son profit de l’histoire, mais il ne laisse pas l’infortuné messager franchir seulement le paillasson du bas de l’escalier. Voilà Bélisaire encore une fois dans la rue, désespéré. Tout à coup il lui vient une idée sublime. Jack ne lui a jamais raconté ce qui s’était passé entre les Rivals et lui ; il a dit seulement que son mariage était rompu. Mais à Indret déjà, et à