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— Par où allez-vous, camarade ?… demanda-t-il à Jack d’un ton significatif, comme s’il eût sous-entendu : « Si vous allez de ce côté, j’aurai justement affaire de l’autre. »

Jack, qui sentait cette froideur sans se l’expliquer, répondit :

— Ma foi, je n’en sais rien par où je vais… Je suis journalier chez Eyssendeck, et je cherche un logement pas trop loin de ma boîte.

— Chez Eyssendeck !… dit le camelot, qui connaissait toutes les fabriques du faubourg ; ce n’est pas facile d’entrer là. Il faut avoir un bon livret.

Il clignait de l’œil en regardant Jack, pour qui ce mot de « bon livret » fut tout un éclaircissement. Il lui arrivait avec Bélisaire ce qui lui était arrivé avec M. Rivals. Celui-là aussi le croyait coupable du vol des six mille francs. Tant il est vrai que ces accusations, même reconnues injustes, laissent des taches indélébiles. Par exemple, quand Bélisaire sut ce qui s’était passé à Indret, qu’il eût vu l’attestation du directeur, sa physionomie changea tout à coup, et son adorable grimace souriante illumina sa face terreuse, comme au bon temps :

— Écoutez, Jack, il est bien tard pour chercher un marchand de sommeil[1]. Vous allez venir chez moi,

  1. Un logeur.