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Et, franchissant un de ces seuils souillés par les sommeils abjects ou les batailles meurtrières de l’ivresse, l’ancien chauffeur se fit servir une double mesure de vitriol[1]. Mais voilà qu’au moment de lever son verre, au milieu de la foule confuse et bruyante, dans la fumée des pipes, la buée lourde que faisaient ces souffles avinés, ces blouses trempées de pluie, il lui sembla qu’un sourire céleste s’entr’ouvrait devant lui, et qu’une voix profonde et douce murmurait près de son oreille :

— Buvez-vous de l’eau-de-vie, monsieur Jack ?

Non, certes, il n’en buvait plus, il n’en boirait plus jamais. Il sortit du cabaret brusquement, laissant son verre plein sur le comptoir où sa monnaie vivement jetée, retentit dans un étonnement général.

  1. C’est le nom qu’on donne à l’eau-de-vie dans le peuple de Paris. Le vin s’appelle pichenet.