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clocher en vigie sur la hauteur, sa jetée continuant la rue jusqu’au large. Entre les maisons, des mâts se dressaient, se croisaient, mêlés de loin les uns aux autres et si serrés qu’on eût dit qu’un seul coup de vent avait poussé ce paquet de vergues dans l’abri du port. En approchant, tout s’espaça, se sépara, s’agrandit.

Ils débarquèrent à la jetée. Là on leur apprit que le Cydnus, grand steamer de la Compagnie transatlantique, partait le jour même dans deux ou trois heures, et que depuis la veille il était déjà au large. C’est le seul moyen qu’on ait trouvé jusqu’ici pour avoir l’équipage au complet au moment du départ, sans être obligé de faire battre tous les bouges de Saint-Nazaire par les gendarmes.

Jack et son compagnon n’avaient donc pas le temps de voir la ville qu’emplissaient, à cette heure, l’animation et le train d’un jour de marché, débordant jusque sur le port. Tout le quai était jonché de paquets de verdure, de paniers de fruits, de volailles liées deux à deux et battant des ailes par terre en piaillant. Devant leur étalage, paysannes et paysans bretons, alignés tout debout les bras ballants, attendaient tranquilles et muets qu’il leur vînt quelque pratique. Pas de hâte, pas le moindre appel aux passants. Pour faire contraste, une foule de petits forains, l’éventaire chargé de cravates, de porte-monnaie, d’épingles ou de bagues, circulaient bruyamment, en proposant leur marchandise. Des matelots de tous les pays, de pe-