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— Toi pas dormir, moucié, demanda Mâdou doucement, toi causer encore ensemble !…

— Oui, je veux bien, répondit Jack… seulement, nous ne parlerons plus de votre vilain tambour ni du grand bassin de cuivre rouge… Ça me fait trop peur.

Le nègre eut un petit rire, puis d’un ton bon enfant :

— Non, non, moucié… Plus parler Mâdou, parler toi à présent… Comment tu t’appelles ?

— Jack… par un k… maman y tient beaucoup.

— Li bien riche, la maman à toi ?

— Si elle est riche… je crois bien, dit Jack, qui n’était pas fâché à son tour d’éblouir le petit roi… Nous avons une voiture, une belle maison sur le boulevard, des chevaux, des domestiques, et tout… Et puis, vous verrez quand maman viendra me voir, comme elle est belle. Dans la rue tout le monde la regarde… Elle a de belles robes, de beaux bijoux… Bon ami a bien raison de dire qu’il ne lui refuse rien. Quand maman a voulu venir à Paris, c’est lui qui nous y a amenés… Avant, nous étions à Tours… C’est ça un joli pays. Nous demeurions sur le Mail, et le tantôt nous allions nous promener dans la rue Royale, où il y a d’excellents gâteaux et beaucoup d’officiers en beaux uniformes… Ah ! je m’amusais bien, allez !… D’abord tous les messieurs me gâtaient, m’embrassaient. J’avais papa Charles, papa Léon, des papas pour rire, vous savez, parce que mon père à moi est mort, il y a bien long-