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se montra avec lui au théâtre, aux courses, le long des grands boulevards, semblable à ces commerçants qui font rouler dans Paris, sur un fiacre à l’heure, quelque enseigne parlante de leur boutique.

Il l’emmena dans des salons, dans des cercles où il entrait, grave comme Fénelon conduisant le duc de Bourgogne, tandis qu’on annonçait : « Son Altesse Royale le prince de Dahomey, et M. Moronval son précepteur. »

Pendant des mois, les petits journaux furent pleins d’anecdotes, de reparties attribuées à Mâdou ; même un rédacteur du Standard vint tout exprès de Londres pour le voir, et ils eurent ensemble une sérieuse conversation financière, administrative, sur la façon dont le prince comptait gouverner un jour ses États, sur ce qu’il pensait du régime parlementaire, de l’instruction obligatoire, etc. La feuille anglaise reproduisit à l’époque ce curieux dialogue, questions et réponses. Les réponses, flottantes et vagues, laissent généralement à désirer. On y remarque pourtant cette saillie de Mâdou, prié de donner son opinion sur la liberté de la presse : « Tout manger, bon pour manger ; toute parole, pas bon pour dire… »

Du coup, tous les frais du gymnase Moronval se trouvèrent payés par ce seul élève ; « moucié Bonfils » réglait les notes sans faire la moindre observation. Par exemple, l’éducation de Mâdou fut un peu négligée. Il en restait à l’abécédaire, et la méthode Moronval-