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Le petit domestique noir entra, un falot à la main.

Il se secoua vivement, comique sous les peluches blanches qui accentuaient sa noirceur, et s’avança dans l’entre-deux des lits, le dos courbé, la tête dans les épaules, rétréci, grelottant.

Jack regardait cette silhouette falotte dont l’ombre s’allongeait de profil sur le mur, exagérée et grotesque, mettant en relief tous les défauts de cette tête simiesque, la bouche en avant, les oreilles énormes, détachées, le crâne en boule, laineux et trop saillant.

Le négrillon attacha sa lanterne au fond du dortoir, qui se trouva éclairé alors comme l’entrepont d’un navire. Puis, il resta là, debout, ses grosses mains gourdes d’engelures et sa face terreuse tendues vers la chaleur, vers la lumière, avec une expression si bonne, enfantine et confiante, que Jack se prit aussitôt à l’aimer.

Tout en se chauffant, le négrillon regardait de temps en temps le vitrage :

— Que de nige !… Que de nige !… disait-il en frissonnant.

Cette façon de prononcer le mot de neige, l’accent de cette voix douce, mal assurée dans une langue étrangère pour elle, toucha le petit Jack, qui eut un regard de pitié vive et de curiosité. Le nègre s’en aperçut, et, tout bas : « Tiens ! le nouveau… Pourquoi toi dors pas, moucié ? »

— Je ne peux pas, dit Jack en soupirant.