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lontairement il songeait tout de suite après à sa mère comme à un défenseur… Que faisait-elle en ce moment ? Onze heures sonnaient à toutes sortes d’horloges lointaines. Sans doute, elle était au bal, au théâtre. Elle allait rentrer bientôt, emmitouflée dans ses fourrures et la dentelle de sa capeline.

Quand elle revenait ainsi, quelque avancée que fût l’heure, elle ouvrait la porte de Jack, s’approchait de son lit : « Tu dors, Jack ? » Même dans le sommeil, il la sentait près de lui, souriait, tendait son front, et de ses yeux mi-clos entrevoyait les splendeurs de sa parure. Il lui en restait une vision radieuse, embaumée, comme si une fée était descendue vers lui dans un nuage à l’iris.

Et maintenant…

Pourtant, parmi les tristesses de sa journée, il se glissait quelques joies d’amour-propre, les galons, le képi, et le bonheur d’avoir caché ses longues jambes sous un uniforme bleu passementé de rouge. Le costume était un peu long, mais on devait le retoucher. Madame Moronval avait même marqué les plis à faire, avec des épingles. Puis il avait joué, fait connaissance avec ses camarades, bizarres, mais bons enfants malgré la férocité de leurs allures. On s’était battu à coups de boules de neige dans l’air vif et froid du jardin, et ç’avait été là un amusement nouveau, plein de charme, pour un enfant élevé dans le boudoir tiède d’une jolie femme.

Seulement, une chose intriguait Jack. Il aurait voulu