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cette teinte noirâtre dont les averses mêlées aux fumées de Paris imprègnent vite les bâtiments abandonnés.

— « Ici le dortoir ! » avait dit le mulâtre sans hésiter.

— « Ce sera peut-être un peu humide… » hasarda doucement madame Moronval.

Il ricana :

— « Nos petits pays chauds seront au frais… »

Raisonnablement il y avait de la place pour dix lits ; on en installa une vingtaine, avec un lavabo au fond, un méchant tapis sous la porte, et ce fut le dôtoi, comme il disait.

Pourquoi pas, après tout ? Un dortoir est un endroit où l’on dort. Eh bien ! les enfants y dormaient malgré la chaleur, le froid, le manque d’air, les bêtes, le bruit de la pompe, et les furieux coups de pied des chevaux. Ils attrapaient des rhumatismes, des ophthalmies, des bronchites ; mais ils dormaient les poings fermés, paisibles, souriants, soupirants, saisis par ce bon engourdissement du sommeil qui suit le jeu, l’exercice et les jours sans souci.

Ô sainte enfance !

… La première nuit, par exemple, Jack ne put fermer l’œil. Jamais il n’avait couché dans une maison étrangère ; et le dépaysement était grand de sa petite chambre, éclairée d’une veilleuse, remplie de ses jouets favoris, avec l’obscurité, la bizarrerie de l’endroit où il se trouvait.

Sitôt les élèves couchés, le domestique noir avait