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s’appliquait à développer en eux tous les sentiments humains, à leur apprendre aussi les douceurs de la vie de famille, dont la plupart, comme étrangers, se trouvaient privés depuis longtemps. Malgré cela, l’instruction n’était pas négligée, bien au contraire ; les hommes les plus éminents, des savants, des artistes, n’avaient pas craint de s’associer à cette œuvre philanthropique en qualité de professeurs, professeurs de sciences, d’histoire, de musique, de littérature, dont les leçons alternaient chaque jour avec un cours de prononciation française par une méthode nouvelle et infaillible dont madame Moronval-Decostère était l’auteur. De plus, il y avait tous les huit jours une séance publique de lecture expressive à haute voix à laquelle étaient conviés les parents ou correspondants des élèves et où ils pouvaient se convaincre de l’excellence du système Moronval.

Cette longue tirade du directeur, qui plus que personne aurait eu besoin des leçons de prononciation de sa femme, fut débitée d’autant plus vite, qu’en sa qualité de créole, il avalait la moitié des mots, supprimait les r de son discours, disait « pofesseu de littéatue » pour professeur de littérature, « œuve philanthopi » pour œuvre philanthropique.

N’importe, mademoiselle Constant fut littéralement éblouie.

La question de prix n’en était pas une pour elle, vous savez bien. Ce à quoi l’on tenait surtout, c’est