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La femme de chambre était toute au plaisir de faire la dame, de se donner de l’importance.

Elle rayonnait, trouvait que les enfants devaient être très bien là, au bon air, comme à la campagne.

— Tout à fait comme à la campagne…, répondait Moronval en se dandinant.

Il y eut un moment de trouble, d’installation, comme il arrive dans les logis pauvres où les visiteurs ont toujours l’air d’effaroucher une masse d’atômes invisibles.

Le négrillon apprêtait le feu. M. Moronval cherchait un tabouret pour la noble étrangère. Enfin madame Moronval, née Decostère, que l’on était allé prévenir, fit son entrée avec un salut prétentieux. Cette petite, très petite femme, à longue tête blafarde, toute en front et en menton, devait être vaguement contrefaite. Elle se présentait toujours de face, très droite, sans perdre un pouce de sa petite taille, comme pour dissimuler ce je ne sais quoi de trop qu’elle se savait entre les épaules. Du reste fort aimable, empressée et digne.

Elle appela l’enfant près d’elle, caressa ses grands cheveux, trouva ses yeux fort beaux.

— Les yeux de sa mère…, ajouta effrontément Moronval en regardant mademoiselle Constant.

Celle-ci ne se pressait pas trop de réclamer ; mais Jack, révolté, s’écria avec des larmes dans la voix :

— Ce n’est pas maman… c’est ma bonne.