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marteaux des charrons et des maréchaux-ferrants. Il y a là tout un reste de faubourg que les violons de Mabille animent, le soir, d’un bruit de riche guinguette.

À cette époque, on voyait même dans l’avenue, et je pense qu’ils existent encore aujourd’hui, deux ou trois passages sordides, vieux souvenir de l’ancienne allée des Veuves et dont l’aspect misérable faisait un singulier contraste avec les splendeurs environnantes.

Une de ces ruelles s’ouvrait au numéro 25 de l’avenue Montaigne, et s’appelait le passage des Douze-Maisons.

Des lettres dorées sur le fronton de la grille ogivale du passage annonçaient très-pompeusement que l’institution Moronval était située à cet endroit. Mais sitôt la grille franchie, on mettait le pied dans cette boue noire, infecte, indestructible, que les démolitions et les constructions récentes déversent autour d’elles, une boue de terrain vague. Le ruisseau, au milieu du passage, le réverbère coupant l’espace, et de chaque côté, des garnis borgnes, des bâtisses complétées de vieilles planches, vous reportaient à quarante ans en arrière et à l’autre bout de Paris, vers La Chapelle ou Ménilmontant.

De ces espèces de chalets, que des galeries couvertes, des balcons, des escaliers extérieurs, mettaient en relation directe avec la rue, débordaient du linge étendu, des cages à lapins, un fouillis d’enfants en guenilles, des chats maigres, des pies apprivoisées.