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un œil et disait : « Stétonnant. » Jack, les yeux fixés sur son livre, rêvait à ce qu’il venait de lire et à la discussion orageuse que sa lecture avait soulevée. Ainsi, dans ce milieu ignorant et humble, à quatre cents ans de distance, l’immortelle légende d’adultère et d’amour, lue par un enfant qui la comprenait à peine, trouvait un écho inattendu. Et c’est là la vraie grandeur, la vraie puissance des poëtes, de s’adresser à tous dans l’histoire d’un seul, de suivre, en apparence immobiles en leur génie, tous les voyageurs de la vie, comme la lune, par les beaux soirs, semble se lever en même temps à tous les coins de l’horizon, accompagnant d’une pitié tendre, d’un regard ami, tous les pas isolés, tous les errants du chemin, et les éclairant à la fois, jamais pressée ni jamais lasse.

— Pour le coup, j’en suis sûr ; c’est lui… dit Jack subitement, en bondissant de sa chaise.

Dans la petite rue ouvrière, une ombre venait de passer contre les vitres, avec un cri bien connu de l’apprenti :

— Chapeaux !… chapeaux !… chapeaux !…

Il s’élança dehors bien vite, mais Clarisse l’avait déjà précédé dans la rue. Elle rentrait comme il sortait, toute rouge, froissant une lettre dans sa poche.

Le camelot était déjà loin, malgré son déhanchement effroyable, et l’énorme faix de casquettes, de surouâs, de chapeaux de feutre, sous lequel il mar-