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eu tort de refuser tout à l’heure ce que vous m’offriez. J’accepte maintenant et je vous remercie.

— Bien cela, enfant, dit le poëte avec solennité, je ne doutais pas que la réflexion ne vînt à bout de vos résistances… Je suis heureux de voir que vous reconnaissez la loyauté de mes intentions. Remerciez notre ami Labassindre, car c’est à lui que vous devez cette bonne fortune. C’est lui qui vous a ouvert l’avenir à deux battants.

Le chanteur tendit sa grosse patte dans laquelle la petite main de Jack s’engloutit.

— Tope là, ma vieille, lui dit-il en affectant de le traiter comme s’ils étaient deux anciens camarades travaillant aux mêmes pièces, dans le même atelier ; et dès ce moment jusqu’au départ, il ne lui adressa plus la parole que sur ce ton familier et brutal que les ouvriers ont entre eux comme un lien de compagnonnage.

Pendant ces huit derniers jours, Jack ne fit que courir les bois et les routes. Il éprouvait du trouble, de l’inquiétude encore plus que de la tristesse ; et de temps en temps l’idée de la responsabilité qu’il allait avoir mettait sur son joli visage une expression inusitée, ce pli des sourcils qui, chez les êtres jeunes, marque l’effort d’une volonté. C’était le vieux Jack à présent. Il alla revoir tous ses coins favoris, comme un homme qui ferait à petits pas le pèlerinage de son enfance.