Page:Daudet - Jack, I.djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en sabots ne venait le quérir « ben vite » pour un malade a quatre lieues de là.

Enfin, on rentrait, et ces retours dans le couchant à travers les sentiers du bois qui allongeait ses longues branches ou sur la route du pays traversée de vols d’hirondelles, de jeux d’enfants, de troupeaux dispersés, avaient un apaisement délicieux. La Seine, déjà toute bleue du côté de la nuit, coulait à l’horizon en or fluide. Sur ce fond lumineux, des bouquets d’arbres grêles, touffus seulement dans le haut comme des palmiers, des maisons blanches étagées le long du coteau donnaient tout à coup l’impression d’un paysage oriental, rêvé plutôt que vu, d’une de ces villes de Judée qui horizonnent des « Sainte-Famille » en route le soir par des chemins montants.

— Ça ressemble à Nazareth, disait la petite Cécile avec des souvenirs d’images de piété ; et les deux enfants causaient, se racontaient tout bas des histoires, pendant que la voiture roulait vers le souper que Jack partageait bien souvent.

De toutes ces courses en commun, il résultait pour M. Rivals que le petit d’Argenton avait une intelligence très ouverte, un esprit concentré, mais profond, où le peu d’instruction reçue avait laissé beaucoup de traces. Avec sa bonté généreuse, il comprit vite combien le pauvre enfant devait être abandonné des siens, et il résolut de suppléer à leur indifférence. Il prit l’habitude tous les jours, après son déjeuner, de le