Page:Daudet - Jack, I.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en ajoutant à sa grandeur l’attrait mystérieux du danger.

En rentrant de ses courses, Jack trouvait sa mère en train de causer à voix basse dans la cuisine avec la femme du garde. Un silence lourd pesait sur la maison, rhythmé par le balancier de la grande horloge de la salle à manger. L’enfant embrassait sa mère qui lui faisait signe de la main :

— Chut !… Tais-toi… IL est là-haut… IL travaille.

Jack s’asseyait dans un coin sur une chaise, s’amusait à regarder le chat faire le gros dos au soleil ou le buste du poëte dont l’ombre s’allongeait majestueusement sur la pelouse. Avec la maladresse de l’enfant qui a envie de bruit parce qu’il ne faut pas en faire, il renversait toujours quelque chose, remuait la table, heurtait les poids de l’horloge, dans les mouvements désœuvrés et inconscients que ces petites existences exubérantes jettent autour d’elles à tout instant.

« Mais tais-toi donc… » répétait Charlotte ; et la mère Archambauld en mettant son couvert prenait toutes sortes de précautions, avançant sur la pointe de ses gros pieds qui n’avaient pas de pointes, courbant avec effort tout son large dos, marchant des épaules, balourde, zélée, maladroite, pour ne pas déranger « Monsieur qui travaillait. »

Il travaillait.

On l’entendait là-haut, dans la tourelle, mesurer