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— Oh ! monsieur le supérieur…

— Mais, à deux conditions.

— Je suis prête à les accepter toutes.

— La première, c’est que, jusqu’au jour où votre position sera régularisée, l’enfant passera ses congés, ses vacances même, dans notre maison, et ne rentrera plus dans la vôtre.

— Mais il en mourra, mon Jack, de ne plus voir sa mère.

— Oh ! vous pourrez venir l’embrasser aussi souvent que vous voudrez. Seulement, et c’est là notre seconde condition, vous ne le verrez jamais au parloir, mais ici, dans mon cabinet, où j’aurai soin que vous ne soyez pas rencontrée.

Elle se leva toute frémissante.

Cette idée qu’elle ne pourrait jamais entrer au parloir, se mêler à cette charmante confusion du jeudi, où l’on se fait gloire de la beauté de son enfant, de la richesse de sa mise et du coupé qui vous attend à la porte, qu’elle ne pourrait pas dire à ses amies : « J’ai salué hier chez les Pères madame de C… ou madame de V…, » de vraies madames, qu’il lui faudrait venir en cachette embrasser son Jack à l’écart, tout cela la révoltait à la fin.

Le malin prêtre avait frappé juste.

— Vous êtes cruel avec moi, monsieur l’abbé ; vous m’obligez à refuser ce dont je vous remerciais tout à l’heure comme d’une grâce ; mais j’ai ma dignité de