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chire. C’est d’abord une ligne lumineuse, une pâleur étalée tout au bord de la nuit sans le moindre rayonnement. Cette ligne s’agrandit à mesure, avec le battement d’une lueur, ce mouvement de la flamme incertaine qui cherche l’air pour s’aider à monter. Jack marche vers cette lumière ; il marche dans une sorte de délire qui décuple ses forces. Quelque chose l’avertit que sa mère est là-bas, là-bas aussi la fin de cette épouvantable nuit.

Maintenant tout le fond du ciel est ouvert. On dirait un grand œil clair, baigné de larmes, qui regarde venir l’enfant avec douceur et attendrissement. « J’y vais, j’y vais, » est-il tenté de répondre à cet appel lumineux et béni. La route, qui commence à blanchir, ne l’effraye plus. D’ailleurs, c’est une belle route sans fossé ni pavé et sur laquelle il semble que des voitures de riches doivent rouler luxueusement. De chaque côté, baignées dans la rosée et le rayon de l’aube, de somptueuses propriétés étalent leurs larges perrons, leurs pelouses déjà fleuries, leurs allées tournantes, où l’ombre se réfugie en glissant sur le sable.

Entre les maisons blanches et les murs d’espaliers, des champs de vigne, des pentes vertes descendent jusqu’à une rivière qu’on voit sortir de la nuit, elle aussi, toute moirée de bleu sombre, de vert tendre et de rose.

Et toujours la lumière du ciel qui s’agrandit, qui se rapproche.