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Pendant que le prêtre parlait, le visage de madame de Barancy avait passé par toutes les expressions de douleur, de dédain, de confusion. D’abord elle avait essayé de faire bonne contenance, gardant la tête droite et le masque mondain bien attaché ; mais les paroles bienveillantes du recteur, tombant sur cette âme enfantine, la firent se fondre tout à coup en plaintes, en larmes, en aveux, en expansions bruyantes et désolées.

Oh ! oui, allez, elle était malheureuse. On ne savait pas tout ce qu’elle avait souffert déjà pour cet enfant…

Eh bien, oui ! le pauvre cher petit être n’avait pas de nom, pas de père ; mais était-ce une raison pour lui faire un crime de son malheur et le rendre responsable de la faute de ses parents ? « Ah ! monsieur l’abbé, monsieur l’abbé, je vous en prie… »

Tout en parlant, par un mouvement d’abandon qui aurait pu faire sourire dans une circonstance moins grave, elle avait pris la main du prêtre, une belle main d’évêque douillette et blanche, que le bon père essayait de dégager doucement, non sans un peu d’embarras.

— Calmez-vous, ma chère dame…, disait-il effrayé de ces effusions, de ces larmes ; car elle pleurait comme une enfant qu’elle était, avec des sanglots, des suffocations, le laisser-aller naïf d’une nature un peu vulgaire.

Le pauvre homme pensait : « Qu’est-ce que je vais