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bien plus occulte et effrayant que toutes les drogues du docteur.

Jack aurait désiré pourtant voir son ami Mâdou, franchir cette porte close, murée par une infatigable surveillance. Enfin, à force de guetter, il saisit un moment où le docteur, à la recherche de quelque médicament oublié, venait de s’élancer vers le passage, pour entrer avec le grand Saïd dans cette infirmerie improvisée.

C’était un de ces endroits à demi rustiques où l’on abrite des instruments de jardinage, des boutures de fleurs, des plantes frileuses. Le lit de fer où Mâdou était couché reposait sur la terre battue. On voyait dans les coins des pots de terre jaune empilés les uns dans les autres, des morceaux de treillages, des vitres cassées, d’un joli bleu, de ce bleu d’atmosphère que forment des couches d’air superposées. Des lianes fanées, de gros paquets de racines mortes complétaient cet aspect désolé ; et dans la cheminée, comme si quelque petite plante des tropiques sensible au froid et fragile se fût abritée là, le feu flambait, remplissant la serre d’une chaleur étouffante et somnolente.

Mâdou ne dormait pas. Sa pauvre petite figure de plus en plus rabougrie, ternie, avait toujours la même expression d’indifférence absolue. Ses mains noires se crispaient sur le drap. Il y avait quelque chose d’animal dans l’abandon de son être, ce renoncement à tout ce qui l’entourait, et la façon dont il se tournait