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Il fallait aller demander la permission à Moronval ; mais comme madame de Barancy apportait le trimestre, vous pensez si la permission fut vite accordée.

— Oh ! quel bonheur ! quel bonheur ! disait Jack ; et pendant que sa mère racontait au mulâtre que M. d’Argenton venait d’être obligé de partir en Auvergne auprès de sa tante qui se mourait, l’enfant traversa rapidement la cour pour aller s’habiller. Sur sa route il rencontra Mâdou. Mâdou, hâve, triste, déjà occupé de tous les soins du ménage, et transportant ses balais et ses seaux sans s’apercevoir que le temps était doux et que l’air se parfumait de séves nouvelles.

En le voyant, il vint à Jack une idée folle, une de ces idées d’enfant heureux qui veut mettre autour de lui tout à l’unisson de son bonheur :

— Oh ! maman, si nous emmenions Mâdou…

La permission était plus difficile à obtenir, à cause des fonctions multiples du petit roi au gymnase ; mais Jack supplia si bien que l’excellente madame Moronval déclara que pour ce jour-là elle se chargerait de toute la besogne du négrillon.

— Mâdou, Mâdou, cria l’enfant en se précipitant dehors, vite, habille-toi, nous t’emmenons avec nous en voiture, nous allons déjeuner au bois.

Il y eut une minute de confusion. Mâdou était ahuri. Madame Decostère lui cherchait une tunique d’emprunt pour la circonstance. Le petit de Barancy sautait de joie, et madame de Barancy, comme un oiseau