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vait, la pauvre femme était prête à tout quitter, n’attendant qu’un signe d’Argenton pour congédier « bon ami. »

— Tu verras, lui disait-elle, je t’aiderai, je travaillerai. Et puis je ne serai pas complètement à ta charge. Il me restera toujours bien un peu d’argent.

Mais d’Argenton hésitait encore. C’était, malgré son apparente exaltation, un esprit très froid, très lucide, un bourgeois méthodique et plein d’habitudes, raisonnant jusqu’à ses coups de tête.

— Non, non… Attendons encore… Un jour viendra où je serai riche, et alors…

Il faisait allusion à cette vieille tante de province qui lui servait sa pension, et dont il hériterait infailliblement un jour ou l’autre. Elle était si âgée, la chère bonne femme !

Et l’on faisait de beaux projets pour ce moment-là. On s’en irait à la campagne, assez près de Paris pour en avoir la lumière, assez loin pour en éviter le bruit. Ils auraient une petite maison à eux, dont il méditait le plan depuis longtemps, toute basse, avec une terrasse italienne garnie de pampres et une devise au fronton de la porte : « Parva domus, magna quies. Petite maison, grand repos. » Là il travaillerait. Il ferait un livre, son livre, le Livre, cette Fille de Faust dont il parlait depuis dix ans. Puis, tout de suite après la Fille de Faust, viendraient les Passiflores, un vo-