primer sa prose ou ses vers. C’étaient des mots terribles, barbelés, empoisonnés, qui brûlaient, enlevaient le morceau.
Mais avec madame de Barancy, il ne pouvait jamais arriver à ces mots fameux, précédés pour la plupart de toute une explication préliminaire. Quand il touchait au moment pathétique de l’histoire et que de sa voix solennelle il commençait : « Alors je lui ai dit ce mot cruel… »
Juste à ce moment, la malheureuse Ida s’élançait au milieu de sa phrase, toujours occupée de lui, il est vrai, mais d’une façon désastreuse pour le discours.
— Oh ! monsieur d’Argenton, je vous en prie, reprenez un peu de cette glace…
— Merci, madame !
Et le poëte, en fronçant le sourcil, répétait avec un redoublement d’autorité :
— Alors je lui ai dit…
— Est-ce que vous ne la trouvez pas bonne ?… demandait l’autre naïvement.
— Excellente, madame… « ce mot cruel. »
Mais le mot cruel retardé si longtemps ne faisait plus d’effet, d’autant que le plus souvent c’étaient des choses comme ceci : « À bon entendeur, salut ! » ou « Monsieur, nous nous reverrons. » À quoi d’Argenton ne manquait jamais d’ajouter : « Et il était vexé ! »
Devant le regard sévère que lui jetait le poëte inter-