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elle me demande des nouvelles de cette bonne madame Chèbe… Eh bien ! oui. Je suis une Chèbe et elle une Fromont. Cela se vaut, je pense. Mon grand-père était pharmacien. Et le sien, qu’est-ce que c’est ? Un paysan enrichi par l’usure… Oh ! je le lui dirai un de ces jours, si elle fait trop la fière, et aussi que leur fillette, sans qu’ils s’en doutent, lui ressemble à ce vieux père Gardinois, et Dieu sait qu’il n’est pas beau.

– Oh ! dit Risler qui ne trouve pas un mot à répondre.

– Pardi ! oui, je vous conseille de l’admirer, leur enfant. Elle est toujours malade. Elle pleure toute la nuit comme un petit chat. Cela m’empêche de dormir… Après, dans la journée, j’ai le piano de la maman et ses roulades… tra la la la la… Encore si c’était de la musique amusante.

Risler a pris le bon parti. Il ne dit plus un mot ; puis, au bout d’un moment, quand il voit qu’elle commence à être plus calme, il achève de l’apaiser avec des compliments.

– Est-elle gentille, aujourd’hui ! On fait donc des visites, tantôt ?…

Pour éviter la difficulté du tutoiement, il se sert d’un mode vague et impersonnel.

– Non, je ne fais pas de visites, répond Sidonie avec une certaine fierté. J’en reçois, au contraire. C’est mon jour…

Et en face de l’air étonné, confondu de son mari, elle reprend.

– Eh bien ! oui, c’est mon jour… Madame Fromont