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tout ce joli fardeau d’étoffes blanches et de rubans clairs, et cherche à le faire rire et gazouiller, avec des gentillesses des mines de grand-père. Comme il a l’air vieux, le pauvre homme ! Son grand corps qu’il rapetisse devant l’enfant, sa grosse voix qui se fait sourde pour s’adoucir, sont autant de disgrâces et de ridicules.

Là-haut sa femme tape du pied, et murmure entre les dents :

– L’imbécile !…

Enfin, lasse d’attendre, elle envoie prévenir monsieur que le déjeuner est servi ; mais la partie est si bien en train que monsieur ne sait plus comment s’en aller, comment interrompre cette explosion de joie et de petits cris d’oiseau. Il parvient pourtant à rendre l’enfant à sa nourrice, et se sauve dans l’escalier en riant de tout son cœur. Il rit encore eu entrant dans la salle à manger, mais un regard de sa femme l’arrête net.

Sidonie est assise à table devant le réchaud chargé. On sent un parti pris de mauvaise humeur dans sa pose de victime :

– Vous voilà… C’est bien heureux.

Risler s’assied, un peu honteux :

– Que veux-tu, petite ? Cette enfant est si…

– Je vous ai déjà prié de ne pas me tutoyer. Cela n’est pas de mise entre nous.

– Mais quand nous sommes seuls ?

– Tenez ! vous ne saurez jamais vous faire à notre nouvelle fortune… Aussi, qu’arrive-t-il ? Personne ne me respecte ici. Le père Achille me salue à peine quand