Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/47

Cette page n’a pas encore été corrigée

– Si nous y allions, dit une grosse fille rousse, qu’on appelait Malvina… C’est pour midi… Nous aurions le temps d’aller et de revenir bien vite.

En effet, à l’heure du déjeuner, toute la bande dégringola l’escalier quatre à quatre.

Sidonie avait, son repas dans un petit panier comme une écolière : le cœur gros, sur un coin de la table, elle mangea toute seule pour la première fois… Dieu ! que la vie lui semblait misérable et triste, quelle terrible revanche elle prendrait plus tard de ces tristesses-là !…

À une heure, les ouvrières remontèrent bruyantes, très animées. « Avez-vous vu cette robe en gros grain blanc ?… Et le voile en point l’Angleterre ?… En voilà une qui a de la chance ! » Alors, dans l’atelier, elles recommencèrent les remarques qu’elles avaient faites à voix basse dans l’église, accoudées à la balustrade pendant tout le temps de la cérémonie. Cette question de mariage riche, de belles parures dura toute la journée, et cela n’empêchait pas le travail, au contraire.

Ces petits commerces parisiens, qui tiennent à la toilette par les détails les plus menus, mettent les ouvrières au courant de la mode, leur donnent d’éternelles préoccupations de luxe et d’élégance. Pour les pauvres filles, qui travaillaient au petit quatrième de mademoiselle Le Mire, les murs noirs, la rue étroite n’existaient pas. Tout le temps elles songeaient à autre chose, passant leur vie à se demander : «